Derniers sujets
Rechercher
L'éloge de la méchanceté
2 participants
Page 1 sur 1
L'éloge de la méchanceté
Pour le sociologue français Michel Fize, cette corruption du coeur serait valorisée dans nos sociétés
De Néron à Hitler en passant par Machiavel, la méchanceté est partout et de tout temps. Loin d'avoir appris de ses erreurs, l'humanité semble poursuivre son enlisement dans ce gouffre profond, voire y prendre plaisir. Sommes-nous vraiment méchants? Oui, déclare le sociologue Michel Fize. Et de plus en plus.À l'heure où les livres sur la recette miracle du bonheur s'accumulent sur les tablettes des librairies, courageux est celui qui ose parler de méchanceté. Un défi que le sociologue français Michel Fize a bien voulu relever, lui qui, pourtant, ne ferait pas de mal à une mouche.
Dans une rafraîchissante balade à travers la littérature française, il s'est ainsi attelé à la difficile tâche de décrypter cette corruption du coeur que Platon appelait «la maladie de l'âme».
C'est bien connu, les gens n'aiment pas reconnaître leurs petits travers. Michel Fize a quand même tenu à les leur remettre sur le nez, sans toutefois titiller leur sentiment de culpabilité ni donner de cours de morale chrétienne.
Son livre Mais qu'est-ce qui passe par la tête des méchants? se veut plutôt instructif. «En bon sociologue, je me suis interrogé sur la société dans tout ce qui la caractérise, y compris la méchanceté qui inonde la vie des uns et des autres», fait-il remarquer en soulignant le caractère intemporel et universel du concept.
Et aujourd'hui plus qu'hier, ce comportement, que Freud percevait comme un trait indestructible inhérent à la nature humaine, serait même devenu valorisé. Telle une vertu, on en ferait désormais l'éloge, constate avec dépit le sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris. «Autrefois, lorsqu'on se comportait méchamment, on avait honte, dit-il. Aujourd'hui, on a le devoir d'être méchant, ne serait-ce que pour avoir la possibilité d'un avancement de carrière. On vit dans une sorte d'appel permanent à nous comporter comme des êtres ignobles.»
À la fois plus massive et encore plus banalisée, la méchanceté est désormais démasquée et célébrée, à en juger par les Tout le monde en parle (version française) et autres émissions satiriques qui, selon M. Fize, fracassent des records de cotes d'écoute grâce à leur contenu à teneur élevée en quolibets et railleries de tout genre.
Et que dire des émissions de télé-réalité à la Survivor, où le public est appelé à critiquer et éliminer sans remords le participant qu'il aime le moins? «La méchanceté fait même le succès des humoristes, dans une sorte de surenchère de moqueries au nom du rire. Je trouve que, pour le coup, on fait jouer au rire un bien mauvais rôle», soutient le sociologue et ancien membre du cabinet ministériel français.
Non pas qu'il n'y ait jamais eu dans le passé de Staline aux idées sanguinaires ou de souverains manichéens derrière les grands complots d'assassinats. Les cirques romains où l'on se rassemblait en grand nombre pour voir des condamnés mourir dévorés par des lions ne sont pas exactement ce qu'on pourrait appeler des actes de pure bonté. L'époque du «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil» n'a jamais existé à proprement parler, rappelle l'auteur dans son livre. Mais il fut un temps où l'on était plus repentant par rapport à une mauvaise conduite.
Pour éviter de sombrer ainsi dans la cruauté monstrueuse dont était capable Mr. Hyde, nos sociétés auraient besoin d'un sérieux examen de conscience. Et d'un retour aux «vraies» valeurs. Question de retrouver certaines moeurs sociales d'harmonie et de gentillesse que l'on a mises au rancart, pense Michel Fize. «On était peut-être enfermés dans le formalisme et les apparences. Un corset qui nous serrait un peu, certes, mais qui nous permettait de ne pas dépasser la ligne blanche et de ne pas tomber dans la méchanceté», soutient-il.
Le culte du moi énoncé par Maurice Barrès, politicien français du XIXe siècle, aurait aussi sa part de responsabilité dans le triomphe de ce que Kant appelait «la raison pervertie». «Dans une société où l'individu s'impose comme une exaltation du moi presque exubérante, il n'est pas étonnant qu'on emploie les moyens les plus antisociaux pour dominer et s'affirmer», souligne Michel Fize. Il déplore aussi la compétition sous toutes ses formes qui, dans un contexte d'hyper-performance, pousse parfois certaines personnes à employer des moyens moins moraux pour parvenir à leurs fins...
Bush, Ben Laden et nous
Pour Michel Fize, c'est la candidate du Parti socialiste français Ségolène Royal qui, à son insu, a décrit le plus justement la méchanceté. À ses détracteurs qui ont fait circuler sur Internet une interview dans laquelle elle critiquait les enseignants, elle a simplement rétorqué que «des gens avaient cherché à lui nuire». Un acte conscient et intentionnel commis en toute lucidité dans le but de faire délibérément du tort, voilà l'essence même de la méchanceté, croit l'auteur.
Il n'y aurait toutefois pas de méchanceté innée ni constitutionnelle. Et n'en déplaise à tous ceux qui n'ont rien à se reprocher, cette perfidie serait en chacun de nous. À en croire le philosophe Nietzsche, les deux formes fondamentales de supériorité que l'homme ait jamais eues sur les animaux étaient son âme profonde et sa méchanceté. «Malheureusement, on la remarque quand elle est déjà faite, quand on en a déjà été victime», note M. Fize.
La méchanceté a beau détenir pas moins d'une quarantaine de synonymes, pourtant, rien ne permet d'en cerner les mille et un visages. Parfois, on arrive à la reconnaître dans un froncement de sourcils ou le regard méprisant d'un collègue de travail jaloux. Qui n'a pas déjà senti sur soi le poids des gros yeux d'un enfant à qui on n'a pas voulu donner un bonbon? «Il n'y a pas de petite méchanceté: qui vole un oeuf vole un boeuf. Les enfants aussi sont méchants, on ne peut le nier», croit Michel Fize, auteur de nombreux livres sur l'enfance et l'adolescence.
Heureusement, il est des caractères sadiques qu'on peut comprendre davantage, ceux déployés sur le coup de la souffrance ou d'une grande injustice, par exemple. Ainsi, la violence dans les gestes des jeunes des cités en banlieue de Paris qui ont incendié des véhicules s'inscrivait plutôt dans une logique de souffrance et d'incompréhension. «Ils ne se sentaient pas respectés, c'était un geste désespéré», analyse le sociologue en faisant le parallèle avec le désormais célèbre coup de tête de Zizou en finale de la Coupe du monde de football. «Zidane s'est senti insulté. C'est pour ça qu'il a réagi ainsi», poursuit-il en ajoutant toutefois qu'aucun acte malfaisant n'est excusable.
Le psychopathe et le pervers
L'autre type de comportement que Michel Fize a du mal à classer dans la catégorie «méchant» est celui qui relève d'une pathologie, au sens du psychopathe ou du pervers. «Ce sont des gens qui, pour la plupart, perdent la lucidité et la conscience de leurs actes. Du coup, ils peuvent se comporter violemment, mais on ne peut pas les étiqueter comme tels parce qu'il leur manque l'intention de nuire.»
Hitler, à qui l'on associe parfois la démence, était-il donc gentil? «Son état de folie n'a pas été prouvé; il est bien probable qu'il ait été conscient qu'il était en train d'exterminer six millions de juifs.» Sachant que ni l'un ni l'autre n'a été diagnostiqué dément et que tous deux ont fait des gestes intentionnellement infâmes, qui, de Bush ou de Ben Laden, a été le plus satanique?
Bien qu'il soit le diable en personne pour la plupart des Arabes, Bush avait l'intention politique d'apporter la démocratie en Irak, pense M. Fize. «Même s'il a menti sur les armes de destruction massive.» En revanche, il estime que les scénarios de Ben Laden étaient d'une méchanceté «extraordinaire», dans le but avoué de faire du mal. «Bush est peut-être idiot, mais il n'est pas empreint d'un fanatisme criminel au point d'envoyer des avions s'écraser sur des immeubles.»
À ce mal avilissant, Michel Fize propose un remède magique: l'amour. Le vrai. Celui qui désarçonne, désarme, fait sourire. «L'amour n'entre pas dans la logique des méchants», souligne-t-il. Il recommande d'abord de traiter la méchanceté sur le plan social, en tentant d'éliminer les situations qui peuvent potentiellement causer du mal, comme l'échec scolaire, l'injustice, l'iniquité salariale et la précarité. C'est après qu'on s'occupe des scélérats. «Il faut donner mauvaise conscience aux méchants, leur faire comprendre que leur méchanceté n'est pas sans effet et qu'elle fait des victimes.»
source : le devoir
De Néron à Hitler en passant par Machiavel, la méchanceté est partout et de tout temps. Loin d'avoir appris de ses erreurs, l'humanité semble poursuivre son enlisement dans ce gouffre profond, voire y prendre plaisir. Sommes-nous vraiment méchants? Oui, déclare le sociologue Michel Fize. Et de plus en plus.À l'heure où les livres sur la recette miracle du bonheur s'accumulent sur les tablettes des librairies, courageux est celui qui ose parler de méchanceté. Un défi que le sociologue français Michel Fize a bien voulu relever, lui qui, pourtant, ne ferait pas de mal à une mouche.
Dans une rafraîchissante balade à travers la littérature française, il s'est ainsi attelé à la difficile tâche de décrypter cette corruption du coeur que Platon appelait «la maladie de l'âme».
C'est bien connu, les gens n'aiment pas reconnaître leurs petits travers. Michel Fize a quand même tenu à les leur remettre sur le nez, sans toutefois titiller leur sentiment de culpabilité ni donner de cours de morale chrétienne.
Son livre Mais qu'est-ce qui passe par la tête des méchants? se veut plutôt instructif. «En bon sociologue, je me suis interrogé sur la société dans tout ce qui la caractérise, y compris la méchanceté qui inonde la vie des uns et des autres», fait-il remarquer en soulignant le caractère intemporel et universel du concept.
Et aujourd'hui plus qu'hier, ce comportement, que Freud percevait comme un trait indestructible inhérent à la nature humaine, serait même devenu valorisé. Telle une vertu, on en ferait désormais l'éloge, constate avec dépit le sociologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) à Paris. «Autrefois, lorsqu'on se comportait méchamment, on avait honte, dit-il. Aujourd'hui, on a le devoir d'être méchant, ne serait-ce que pour avoir la possibilité d'un avancement de carrière. On vit dans une sorte d'appel permanent à nous comporter comme des êtres ignobles.»
À la fois plus massive et encore plus banalisée, la méchanceté est désormais démasquée et célébrée, à en juger par les Tout le monde en parle (version française) et autres émissions satiriques qui, selon M. Fize, fracassent des records de cotes d'écoute grâce à leur contenu à teneur élevée en quolibets et railleries de tout genre.
Et que dire des émissions de télé-réalité à la Survivor, où le public est appelé à critiquer et éliminer sans remords le participant qu'il aime le moins? «La méchanceté fait même le succès des humoristes, dans une sorte de surenchère de moqueries au nom du rire. Je trouve que, pour le coup, on fait jouer au rire un bien mauvais rôle», soutient le sociologue et ancien membre du cabinet ministériel français.
Non pas qu'il n'y ait jamais eu dans le passé de Staline aux idées sanguinaires ou de souverains manichéens derrière les grands complots d'assassinats. Les cirques romains où l'on se rassemblait en grand nombre pour voir des condamnés mourir dévorés par des lions ne sont pas exactement ce qu'on pourrait appeler des actes de pure bonté. L'époque du «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil» n'a jamais existé à proprement parler, rappelle l'auteur dans son livre. Mais il fut un temps où l'on était plus repentant par rapport à une mauvaise conduite.
Pour éviter de sombrer ainsi dans la cruauté monstrueuse dont était capable Mr. Hyde, nos sociétés auraient besoin d'un sérieux examen de conscience. Et d'un retour aux «vraies» valeurs. Question de retrouver certaines moeurs sociales d'harmonie et de gentillesse que l'on a mises au rancart, pense Michel Fize. «On était peut-être enfermés dans le formalisme et les apparences. Un corset qui nous serrait un peu, certes, mais qui nous permettait de ne pas dépasser la ligne blanche et de ne pas tomber dans la méchanceté», soutient-il.
Le culte du moi énoncé par Maurice Barrès, politicien français du XIXe siècle, aurait aussi sa part de responsabilité dans le triomphe de ce que Kant appelait «la raison pervertie». «Dans une société où l'individu s'impose comme une exaltation du moi presque exubérante, il n'est pas étonnant qu'on emploie les moyens les plus antisociaux pour dominer et s'affirmer», souligne Michel Fize. Il déplore aussi la compétition sous toutes ses formes qui, dans un contexte d'hyper-performance, pousse parfois certaines personnes à employer des moyens moins moraux pour parvenir à leurs fins...
Bush, Ben Laden et nous
Pour Michel Fize, c'est la candidate du Parti socialiste français Ségolène Royal qui, à son insu, a décrit le plus justement la méchanceté. À ses détracteurs qui ont fait circuler sur Internet une interview dans laquelle elle critiquait les enseignants, elle a simplement rétorqué que «des gens avaient cherché à lui nuire». Un acte conscient et intentionnel commis en toute lucidité dans le but de faire délibérément du tort, voilà l'essence même de la méchanceté, croit l'auteur.
Il n'y aurait toutefois pas de méchanceté innée ni constitutionnelle. Et n'en déplaise à tous ceux qui n'ont rien à se reprocher, cette perfidie serait en chacun de nous. À en croire le philosophe Nietzsche, les deux formes fondamentales de supériorité que l'homme ait jamais eues sur les animaux étaient son âme profonde et sa méchanceté. «Malheureusement, on la remarque quand elle est déjà faite, quand on en a déjà été victime», note M. Fize.
La méchanceté a beau détenir pas moins d'une quarantaine de synonymes, pourtant, rien ne permet d'en cerner les mille et un visages. Parfois, on arrive à la reconnaître dans un froncement de sourcils ou le regard méprisant d'un collègue de travail jaloux. Qui n'a pas déjà senti sur soi le poids des gros yeux d'un enfant à qui on n'a pas voulu donner un bonbon? «Il n'y a pas de petite méchanceté: qui vole un oeuf vole un boeuf. Les enfants aussi sont méchants, on ne peut le nier», croit Michel Fize, auteur de nombreux livres sur l'enfance et l'adolescence.
Heureusement, il est des caractères sadiques qu'on peut comprendre davantage, ceux déployés sur le coup de la souffrance ou d'une grande injustice, par exemple. Ainsi, la violence dans les gestes des jeunes des cités en banlieue de Paris qui ont incendié des véhicules s'inscrivait plutôt dans une logique de souffrance et d'incompréhension. «Ils ne se sentaient pas respectés, c'était un geste désespéré», analyse le sociologue en faisant le parallèle avec le désormais célèbre coup de tête de Zizou en finale de la Coupe du monde de football. «Zidane s'est senti insulté. C'est pour ça qu'il a réagi ainsi», poursuit-il en ajoutant toutefois qu'aucun acte malfaisant n'est excusable.
Le psychopathe et le pervers
L'autre type de comportement que Michel Fize a du mal à classer dans la catégorie «méchant» est celui qui relève d'une pathologie, au sens du psychopathe ou du pervers. «Ce sont des gens qui, pour la plupart, perdent la lucidité et la conscience de leurs actes. Du coup, ils peuvent se comporter violemment, mais on ne peut pas les étiqueter comme tels parce qu'il leur manque l'intention de nuire.»
Hitler, à qui l'on associe parfois la démence, était-il donc gentil? «Son état de folie n'a pas été prouvé; il est bien probable qu'il ait été conscient qu'il était en train d'exterminer six millions de juifs.» Sachant que ni l'un ni l'autre n'a été diagnostiqué dément et que tous deux ont fait des gestes intentionnellement infâmes, qui, de Bush ou de Ben Laden, a été le plus satanique?
Bien qu'il soit le diable en personne pour la plupart des Arabes, Bush avait l'intention politique d'apporter la démocratie en Irak, pense M. Fize. «Même s'il a menti sur les armes de destruction massive.» En revanche, il estime que les scénarios de Ben Laden étaient d'une méchanceté «extraordinaire», dans le but avoué de faire du mal. «Bush est peut-être idiot, mais il n'est pas empreint d'un fanatisme criminel au point d'envoyer des avions s'écraser sur des immeubles.»
À ce mal avilissant, Michel Fize propose un remède magique: l'amour. Le vrai. Celui qui désarçonne, désarme, fait sourire. «L'amour n'entre pas dans la logique des méchants», souligne-t-il. Il recommande d'abord de traiter la méchanceté sur le plan social, en tentant d'éliminer les situations qui peuvent potentiellement causer du mal, comme l'échec scolaire, l'injustice, l'iniquité salariale et la précarité. C'est après qu'on s'occupe des scélérats. «Il faut donner mauvaise conscience aux méchants, leur faire comprendre que leur méchanceté n'est pas sans effet et qu'elle fait des victimes.»
source : le devoir
1/4im- Nombre de messages : 709
Age : 44
Résidence : casablanca
Emploi : dessinateur industriel
Statut : maroc
Date d'inscription : 28/06/2006
Re: L'éloge de la méchanceté
karim pour cet article
manal28- Nombre de messages : 106
Age : 47
Date d'inscription : 14/12/2005
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
23/10/24, 05:46 pm par rose
» Marocain cherche bent nas
06/10/24, 01:51 am par badia
» Mariage
05/10/24, 10:31 pm par badia
» Logement 4 1/2 à louer Montréal
15/06/23, 04:58 am par april_family
» Parrainage 2023?
20/03/23, 02:36 am par medamine5
» Qui a commencé la procédure EXPRESS ENTRY ?
05/10/22, 02:57 am par hhicham
» procédure de parrainage au québec ( exterieur )
09/03/22, 08:46 pm par sam
» Diplome Privé et procedure de permis de travail
26/02/22, 04:03 pm par root
» Livre de citoyenneté
13/01/22, 01:53 am par kamal1982
» Opticiens recherchés
11/11/21, 04:16 pm par AZUL