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la rage de vivre d'un petit canadien entre école & hôpit
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la rage de vivre d'un petit canadien entre école & hôpit
la rage de vivre
Atteint d'un cancer depuis huit ans, le jeune Petrilli termine fièrement son primaire
La haie d'honneur formée des parents, des enseignants et des élèves de l'école montréalaise Sainte-Claire, à Tétreaultville, pour accompagner les finissants de sixième année vers la sortie revêtira un caractère spécial cette année. Un grand préadolescent de 11 ans, Olivier Petrilli, la traversera les épaules droites, en claudiquant légèrement, avec une immense fierté. Il a gagné son pari de terminer son primaire en dépit du cancer qu'il combat depuis l'âge de trois ans, des mois d'école qu'il a encore manqués cette année et des épreuves qu'il a traversées. On l'a même vu certains matins, entêté, monter les marches sur les fesses pour se rendre en classe. Et l'école, qui a participé à son combat, sera tout aussi fière que lui.
«J'ai promis à Olivier et à sa mère qu'on ferait tout pour qu'il puisse continuer l'école», relate le directeur de Sainte-Claire, Normand Beauvais, qui ressemble à l'animateur de L'Évangile en papier avec sa barbe blanche fournie. La promesse a été tenue, et même plus. Du concierge au directeur en passant par les enseignants et la secrétaire, tout a été mis en oeuvre pour faciliter la vie d'Olivier, sans pour autant le prendre en pitié. Une série de petits gestes discrets ont fait toute la différence pour le garçon et sa mère.
Atteint d'une forme très rare de cancer qui lui a fait perdre un oeil et une jambe et qui l'oblige à porter une prothèse, Olivier a eu un parcours scolaire ponctué de séjours à l'hôpital. Le cancer a d'abord frappé l'oeil quand il avait trois ans et demi. Depuis ce temps, il porte un oeil de verre, difficile à distinguer. En première année, la maladie s'est transformée en cancer des os. Olivier a dû s'astreindre à sept mois de chimiothérapie et sa jambe gauche a été amputée sous le genou.
«La fin de semaine, le soir, à l'hôpital, les gens de l'école étaient là... Ils parlaient avec Olivier, et pas nécessairement de la maladie mais de choses normales dans sa vie d'enfant», explique la mère d'Olivier, Sylvie Filion, qui a quitté son emploi d'évaluatrice en bâtiment pour avoir plus de temps à consacrer à son fils.
La deuxième année scolaire d'Olivier s'est passée plutôt normalement, mais une récidive est survenue en troisième année: le cancer s'était logé sur un poumon. Nouvelle hospitalisation, mais la chirurgie a permis de déloger la petite masse cancéreuse. En quatrième année, c'est une chute banale qui a réexpédié Olivier à l'hôpital: il s'était cassé l'os au bout de son moignon.
Ç'aurait dû être assez, mais ce ne le fut pas. L'année scolaire qui s'achève aujourd'hui a été encore plus éprouvante. Alors qu'il pensait s'être blessé à la jambe pendant son cours d'éducation physique, une visite à l'hôpital a appris à Olivier que le cancer faisait encore des siennes. Une masse cancéreuse s'était développée dans sa jambe droite et une autre s'était attaquée à son moignon. On a réamputé sa jambe gauche au-dessus du genou et on lui a retiré le péroné pour le remplacer par une prothèse.
Cette fois-ci, Olivier a refusé de subir un nouveau traitement de chimiothérapie expérimental, dont l'efficacité était incertaine. «Je l'ai déjà fait, ç'a été des mois de souffrance et ça n'a pas empêché le cancer de revenir. J'aime mieux vivre comme ça vient. Avec la chimio, je me sens faible et je n'ai plus le goût de rien faire. J'aime mieux faire du sport», explique le garçon, lucide et déterminé, qui se faufile toujours dans le cabinet du radiologiste pour voir les images avant le médecin. «Je me rassure en regardant», dit Olivier, qui voudrait bien devenir pédiatre. Sa mère approuve sa décision, estimant que sa joie de vivre constitue la meilleure des thérapies.
La rage de vivre
Même sans l'interminable chimiothérapie, l'épreuve était ardue. Olivier a dû s'absenter de l'école de septembre à décembre. L'école était néanmoins bien présente dans sa vie. «C'était important de revenir à ma routine», fait valoir le garçon, qui qualifie l'école de «centre de loisir où on apprend en même temps». L'humour de son professeur et le soutien de ses amis l'ont aidé à passer au travers.
Car l'école, de son côté, ne restait pas inactive. Pendant son hospitalisation, l'enseignant d'Olivier, Serge Ouellet, a inscrit le numéro de sa chambre d'hôpital au tableau. Les appels téléphoniques s'y sont succédé. Sa maman discutait régulièrement avec MM. Ouellet et Beauvais de la matière à transmettre à son fils, les guidant par exemple pour que les cours particuliers donnés par un enseignant spécialement affecté à cette fin soient dispensés lorsque le garçon était au mieux de sa forme. «Un jour, je suis venue m'asseoir en classe écouter les explications d'un cours sur l'électricité», se rappelle Mme Filion. La chimie entre le personnel de l'école et sa mère a permis au jeune garçon non seulement d'éviter les retards scolaires mais aussi de terminer avec brio un programme enrichi d'immersion en anglais. «Il n'a jamais lâché. Il a fait tous les travaux exigeants, sans passe-droit. Je l'admire pour son courage», témoigne son professeur.
À son retour à l'école, l'hiver dernier, Olivier a toutefois dû se déplacer en fauteuil roulant. Sa mère et le directeur ne pouvaient plus le porter jusqu'à sa classe au troisième étage, comme ils l'avaient déjà fait en première année. «Je montais les marches sur les fesses, avec des gants sur les mains», explique-t-il. Sa mère a dîné pendant deux mois dans la classe en compagnie d'Olivier et de ses amis pour lui éviter de devoir descendre et gravir l'escalier.
Le garçon a ensuite troqué le fauteuil roulant pour la marchette, puis pour les cannes de métal. Il marche aujourd'hui en boitant à peine, s'appuyant sur sa prothèse d'une valeur de quelque 15 000 $, payée grâce à la Fondation des amputés de guerre.
«Un cancer, ce n'est pas la lèpre. Ce n'est pas parce que quelqu'un a un cancer qu'on va le mettre à part. On aurait pu dire: "On va trouver une place spéciale, une classe au premier étage... " Non, on va vivre avec», explique M. Beauvais, qui a fait la tournée des classes pour sensibiliser les enfants à la situation d'Olivier et aux légers accommodements que cela suppose.
La liste de ce qu'Olivier ne peut pas faire est cependant très courte. «Comme adultes, on essayait de mettre des limites. Il les a vite dépassées. Il nous a montré qu'on doit laisser la personne qui a un défi à vivre le relever», explique M. Beauvais, qui qualifie le jeune garçon de «redoutable guerrier».
Que ce soit au ballon prisonnier, au football ou au kickball, la jambe artificielle n'empêche pas Olivier de courir après le ballon. Cela a cependant donné lieu à des situations cocasses. L'an dernier, Olivier est tombé en jouant et sa prothèse s'est brisée. «Un élève est venu me voir en panique en me disant: "La jambe d'Olivier est tout à l'envers"», raconte le directeur en riant à travers sa barbe blanche. C'est qu'Olivier s'efforce tellement de tout faire comme les autres qu'on en oublie parfois son handicap.
Dans sa «normalité», Olivier est néanmoins un garçon mûr, conscient du caractère éphémère de la vie. La mort d'un enfant leucémique avec qui il avait tissé des liens d'amitié au fil de ses séjours à l'hôpital rend cette prise de conscience encore plus forte. «Pour moi, chaque jour, c'est comme une vie», a déjà déclaré Olivier à sa maman, qui tentait de le convaincre de reporter une activité. «J'ai viré de bord et nous y sommes allés», se rappelle Sylvie Filion.
Pour le moment, Olivier est en rémission. La récidive de septembre a néanmoins incité les médecins à accroître la cadence des examens de dépistage. Il doit subir une batterie de tests quatre fois par année. «Je préfère ça et qu'on le sache rapidement s'il y a quelque chose», fait-il observer.
Cet après-midi, Olivier tournera la page sur son école primaire. Il aura droit à un été de repos bien mérité avant de commencer son secondaire, dans une petite école privée du quartier, avec son meilleur ami, Félix. Mais le directeur de l'école Sainte-Claire ne le laisse pas partir complètement. «Il ne quittera pas l'école. Il y aura sa photo et une plaque à son nom dans le gymnase. On a conclu un pacte, lui et moi: tous les cinq ans, il viendra parler aux élèves», assure M. Beauvais, qui lui a déjà livré un vibrant hommage le 7 juin lors de la cérémonie du 75e anniversaire de l'école, lors de laquelle la plaque a été dévoilée.
Chapeau, Olivier! Et chapeau à une école humaine et à une mère dévouées!
source : le devoir 22-06-2007
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