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immigration - un parcours postif
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immigration - un parcours postif
De Tunis à Québec
On dit de Québec qu'elle est incapable de retenir ses jeunes et ses immigrants. Suivant cette logique, à 28 ans et originaire de la Tunisie, Taïeb Moalla devrait avoir mis les voiles depuis un moment pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. À Montréal, par exemple, pôle d'attraction numéro un de la plupart des nouveaux arrivants québécois.
Pourtant, Taïeb se plaît à défier la logique. Il est toujours ici, bien installé depuis cinq ans avec sa blonde dans le quartier Montcalm, convaincu plus que jamais que c'est à Québec qu'il veut s'installer à demeure.
"Ma vie est ici. Je ne peux pas dire pourquoi, mais je l'ai tout de suite senti lorsque je suis arrivé", me confie le jeune journaliste pigiste, entre deux bouchées, au resto algérien Aux 2 Violons, rue Crémazie.
J'avais croisé Taïeb quelques instants auparavant, rue Cartier, alors qu'il se rendait, comme tous les vendredis, acheter son sacro-saint exemplaire du Canard enchaîné. Tout un changement de cette époque où il habitait Tunis et qu'il devait se rendre à l'aéroport pour quémander le journal aux touristes français qui venaient de débarquer...
Il faut dire que Taïeb est un véritable maniaque de tout ce qui touche l'actualité internationale, particulièrement ce qui se passe au Proche-Orient. Il collabore à plusieurs médias québécois, écrits et électroniques. Sans doute avez-vous aperçu sa signature dans Le Soleil, où il avait été stagiaire l'été dernier.
À son arrivée à Québec, en août 2001, Taïeb aurait pu faire comme la plupart des immigrants et rechercher la compagnie de ses compatriotes. Mais "la culture du ghetto", très peu pour lui. Pas de meilleure façon, croit-il, pour encourager l'exclusion sociale. Il a préféré se fondre dans le paysage de sa ville d'adoption. Au fil des ans, il a apprivoisé la poutine, a pris un peu l'accent québécois, surtout lorsqu'il parle avec sa blonde, et s'est découvert une véritable passion pour les chansons du groupe Mes Aïeux, grâce à qui il s'est offert un cours d'histoire du Québec 101.
Car, avant de venir s'installer au Québec, il ne savait rien de la vie ici. Sa connaissance de l'endroit se limitait à la célèbre phrase du général de Gaulle. Et aussi de cette autre, il ne se souvient plus très bien où il l'avait lue, voulant que les Québecois formaient l'un des rares peuples à avoir refusé deux fois de faire leur indépendance...
Taïeb sait qu'il aurait de meilleures chances de décrocher un emploi à Montréal, mais il ne veut rien savoir. À travail égal, voire moindre, il préférerait de loin rester à Québec. La qualité de vie y est meilleure, il se sent en sécurité, il apprécie les services de proximité au centre-ville et l'efficacité du transport en commun, lui qui a fait le choix de ne pas avoir d'automobile. "On dit souvent de Québec que c'est un gros village, mais toujours dans un sens péjoratif. Mais être un village, ça peut être aussi pittoresque, ce n'est pas forcément une insulte."
Taïeb apprécie aussi l'ouverture de ses concitoyens. Jamais n'a-t-il senti d'intolérance de leur part. Arrivé au Québec un mois avant un certain 11 septembre, il n'a jamais été montré du doigt.
Alors, si Québec est si tolérante, si ouverte à l'égard des immigrants, pourquoi la plupart fout le camp ?
Le manque de travail, encore et toujours. Québec devrait peut-être commencer à mettre en pratique ce qu'elle prêche, estime Taïeb. Autrement dit, en donnant des emplois aux nouveaux arrivants à la mesure de leurs qualifications. Tout passe par là. Où sont les minorités visibles à l'hôtel de ville, chez les policiers, les services publics municipaux, dans les médias ? demande Taïeb. "C'est l'écart entre le discours officiel et les faits qui est fatigant. En même temps, ce n'est pas parce qu'un gars s'appelle Mohammed qu'il doit être embauché. Il doit aussi faire ses preuves. Moi, en tout cas, je n'ai jamais voulu jouer à l'Arabe de service. Je ne veux pas être l'Arabe qui cache la forêt...", lance-t-il avec humour.
L'heure du midi achève, notre entretien aussi. Taïeb a hâte de rentrer chez lui pour regarder les matchs de Roland-Garros à la télé. La semaine prochaine, c'est la Coupe du monde de foot, alors là, il ne se pourra plus. Surtout lorsque la Tunisie affrontera l'Arabie Saoudite. Ce jour-là, Québec cessera d'exister, son coeur et sa tête seront très loin, dans le pays qui l'a vu naître...
Source : cyberpresse.ca
On dit de Québec qu'elle est incapable de retenir ses jeunes et ses immigrants. Suivant cette logique, à 28 ans et originaire de la Tunisie, Taïeb Moalla devrait avoir mis les voiles depuis un moment pour aller voir si l'herbe est plus verte ailleurs. À Montréal, par exemple, pôle d'attraction numéro un de la plupart des nouveaux arrivants québécois.
Pourtant, Taïeb se plaît à défier la logique. Il est toujours ici, bien installé depuis cinq ans avec sa blonde dans le quartier Montcalm, convaincu plus que jamais que c'est à Québec qu'il veut s'installer à demeure.
"Ma vie est ici. Je ne peux pas dire pourquoi, mais je l'ai tout de suite senti lorsque je suis arrivé", me confie le jeune journaliste pigiste, entre deux bouchées, au resto algérien Aux 2 Violons, rue Crémazie.
J'avais croisé Taïeb quelques instants auparavant, rue Cartier, alors qu'il se rendait, comme tous les vendredis, acheter son sacro-saint exemplaire du Canard enchaîné. Tout un changement de cette époque où il habitait Tunis et qu'il devait se rendre à l'aéroport pour quémander le journal aux touristes français qui venaient de débarquer...
Il faut dire que Taïeb est un véritable maniaque de tout ce qui touche l'actualité internationale, particulièrement ce qui se passe au Proche-Orient. Il collabore à plusieurs médias québécois, écrits et électroniques. Sans doute avez-vous aperçu sa signature dans Le Soleil, où il avait été stagiaire l'été dernier.
À son arrivée à Québec, en août 2001, Taïeb aurait pu faire comme la plupart des immigrants et rechercher la compagnie de ses compatriotes. Mais "la culture du ghetto", très peu pour lui. Pas de meilleure façon, croit-il, pour encourager l'exclusion sociale. Il a préféré se fondre dans le paysage de sa ville d'adoption. Au fil des ans, il a apprivoisé la poutine, a pris un peu l'accent québécois, surtout lorsqu'il parle avec sa blonde, et s'est découvert une véritable passion pour les chansons du groupe Mes Aïeux, grâce à qui il s'est offert un cours d'histoire du Québec 101.
Car, avant de venir s'installer au Québec, il ne savait rien de la vie ici. Sa connaissance de l'endroit se limitait à la célèbre phrase du général de Gaulle. Et aussi de cette autre, il ne se souvient plus très bien où il l'avait lue, voulant que les Québecois formaient l'un des rares peuples à avoir refusé deux fois de faire leur indépendance...
Taïeb sait qu'il aurait de meilleures chances de décrocher un emploi à Montréal, mais il ne veut rien savoir. À travail égal, voire moindre, il préférerait de loin rester à Québec. La qualité de vie y est meilleure, il se sent en sécurité, il apprécie les services de proximité au centre-ville et l'efficacité du transport en commun, lui qui a fait le choix de ne pas avoir d'automobile. "On dit souvent de Québec que c'est un gros village, mais toujours dans un sens péjoratif. Mais être un village, ça peut être aussi pittoresque, ce n'est pas forcément une insulte."
Taïeb apprécie aussi l'ouverture de ses concitoyens. Jamais n'a-t-il senti d'intolérance de leur part. Arrivé au Québec un mois avant un certain 11 septembre, il n'a jamais été montré du doigt.
Alors, si Québec est si tolérante, si ouverte à l'égard des immigrants, pourquoi la plupart fout le camp ?
Le manque de travail, encore et toujours. Québec devrait peut-être commencer à mettre en pratique ce qu'elle prêche, estime Taïeb. Autrement dit, en donnant des emplois aux nouveaux arrivants à la mesure de leurs qualifications. Tout passe par là. Où sont les minorités visibles à l'hôtel de ville, chez les policiers, les services publics municipaux, dans les médias ? demande Taïeb. "C'est l'écart entre le discours officiel et les faits qui est fatigant. En même temps, ce n'est pas parce qu'un gars s'appelle Mohammed qu'il doit être embauché. Il doit aussi faire ses preuves. Moi, en tout cas, je n'ai jamais voulu jouer à l'Arabe de service. Je ne veux pas être l'Arabe qui cache la forêt...", lance-t-il avec humour.
L'heure du midi achève, notre entretien aussi. Taïeb a hâte de rentrer chez lui pour regarder les matchs de Roland-Garros à la télé. La semaine prochaine, c'est la Coupe du monde de foot, alors là, il ne se pourra plus. Surtout lorsque la Tunisie affrontera l'Arabie Saoudite. Ce jour-là, Québec cessera d'exister, son coeur et sa tête seront très loin, dans le pays qui l'a vu naître...
Source : cyberpresse.ca
1/4im- Nombre de messages : 709
Age : 43
Résidence : casablanca
Emploi : dessinateur industriel
Statut : maroc
Date d'inscription : 28/06/2006
Re: immigration - un parcours postif
1/4im pour l'article.
wanted- Nombre de messages : 682
Age : 41
Résidence : Casablanca - Lixus
Emploi : Ministère d'Agriculture...
Statut : En attente du ViSa
Date d'inscription : 26/11/2006
Re: immigration - un parcours postif
Cordialement,
Nour
admin27- Nombre de messages : 2276
Age : 49
Résidence : Montréal - Québec
Emploi : Benevole
Date d'inscription : 16/05/2005
Re: immigration - un parcours postif
merci pour ce récit.
@+
@+
bahja- Nombre de messages : 661
Age : 52
Résidence : Montréal
Emploi : Informaticien
Statut : Marié
Date d'inscription : 20/05/2005
Re: immigration - un parcours postif
Une femme surprise par son destin
De Port-au-Prince à Montréal, en passant par Thetford Mines, la vie de Michaëlle Jean ne semblait pas la conduire vers Rideau Hall, la résidence officielle du gouverneur général, à Ottawa. Du moins, jusqu'à tout récemment.
Dessinez l'immigrante idéale, celle qui n'a pas froid aux yeux, et le résultat ressemblera fort à Michaëlle Jean. Dessinez le portrait d'une immigrante qui apporte davantage à son pays d'adoption que tout ce qu'elle a pu en tirer elle-même, et vous obtiendrez Michaëlle Jean. Dessinez le portrait d'une Québécoise incarnant tout à la fois la modernité, la tolérance et l'ouverture sur le monde, et vous verrez encore apparaître Michaëlle Jean.
Ce modèle, cet icône, on l'imaginait cinéaste, animatrice de télé, journaliste, professeure, comédienne, scientifique, diplomate, bibliothécaire, pilote de course ou même dresseuse de lions. Mais gouverneure générale du Canada ? Elle-même semblait encore abasourdie par la nouvelle, hier matin, au moment où le premier ministre, Paul Martin, a rendu publique sa nomination. Cramponnée à son époux et à sa fille, on aurait dit qu'elle se trouvait sur un frêle esquif, au milieu d'un océan déchaîné.
"Je ne m'attendais pas à ce que le destin frappe de cette façon-là à ma porte, a reconnu la principale intéressée. (...) Durant toute ces années où j'ai oeuvré comme journaliste et animatrice, sur les différentes chaînes de notre télévision publique, j'ai vu les préjugés reculer et les mentalités évoluer. Fini le temps où l'on osait penser et dire qu'une personne de race noire n'avait aucune crédibilité en information aux yeux du public. Il faut continuer d'avancer. Et c'est dans cet état d'esprit que j'acquiesce à la proposition qui m'est faite et que j'entends exercer le rôle de gouverneure générale."
Michaëlle Jean s'est toujours défendue d'avoir un plan de carrière. Pour convaincre les sceptiques, elle a souvent raconté son étonnante entrevue d'embauche à la télé de Radio-Canada, à la fin des années 80. "Quel est votre animateur préféré ?" lui avait-on demandé. "Je n'en ai pas vraiment", avait-elle répondu. "Quelle est votre émission préférée, alors ?" avait continué l'interviewer. "Je n'en ai pas vraiment", avait-elle répété. Silence de mort. La future animatrice avait dû expliquer à ses vis-à-vis médusés qu'elle vivait sans télévision chez elle depuis au moins 10 ans !
Soif d'apprendre
De fait, la vie entière de Mme Jean apparaît comme une succession de changements aussi soudains qu'improbables. Née à Haïti, en 1957, elle fuit le pays avec sa famille pour échapper à la dictature de François Duvalier, alias Papa Doc. Le petit groupe d'exilés se retrouve à Thetford Mines, où la présence de Noirs constitue une véritable attraction. "Petite, je me sentais comme une tache noire sur la neige blanche", a-t-elle confié à la journaliste Michelle Coudé-Lord, dans le magasine Le 30.
Plus tard, la famille de Michaëlle Jean s'établira à Montréal. Selon elle, beaucoup d'immigrants finissent par choisir la métropole parce qu'ils y cherchent un port d'attache. "Comme les Québécois en Floride", dira-t-elle un jour au SOLEIL. Avec sa mère et sa soeur cadette, elle vit dans un appartement d'une pièce et demie dans un sous-sol. Le Cégep Rosemont. L'Université de Montréal. Les études en langue et en littérature comparée, en italien et en espagnol. Une soif d'apprendre. "L'exil est une déchirure qu'il faut transformer en quelque chose qui vous instruit", commente-t-elle sobrement.
Remarquée par Radio-Canada à la suite de sa participation à un documentaire sur Haïti, Michaëlle Jean connaîtra une ascension météorique. Elle anime notamment Virages, Le Monde ce soir, Le Canada aujourd'hui, Grands Reportages, RDI à l'écoute, Rough Cuts et Passionate Eye. Mais son statut d'éternelle étoile montante ne lui attire pas que des amis. L'éviction de l'animatrice Michel Viroly, dont elle prend la place comme lectrice du Téléjournal, les fins de semaine, en 2001, engendre bien des suspicions. "Au début, j'ai entendu dire que j'étais là à cause d'une politique d'embauche d'immigration et d'accès à l'égalité. (...) J'avais tout pour nourrir les préjugés", a-t-elle raconté au magasine Le 30.
Rythme effréné
Au fil des ans, le rythme effréné de la télévision finira par miner la santé de l'éternelle fonceuse, de la perfectionniste qui veut toujours en faire plus. Le conflit de travail qui sévit à Radio-Canada et les restructurations incessantes de la société d'État feront le reste. À la fin de 2002, elle doit prendre un long congé pour récupérer. "Si j'avais dit que c'était un cancer de la gorge, tout le monde aurait trouvé ça normal, mais si je dis que j'ai subi une hystérectomie parce que j'avais des fibromes dans l'utérus, on va dire que je manque de pudeur", confie-t-elle à son retour à
Jean Beaunoyer, du journal La Presse.
"C'est stressant, la télé, explique-t-elle. On nous demande d'être naturel alors qu'il n'y a rien de naturel. On parle avec des écouteurs dans les oreilles, on tourne des pages avec nos mains, on active le télésouffleur avec le pied et on s'adresse à la caméra. (...) La télévision a changé. (...) Maintenant, il faut produire deux émissions du Téléjournal par jour, une édition pour le RDI à 21 h et une autre pour la première chaîne, à 22 h."
Était-ce le désenchantement ? Il y a presque un an jour pour jour, le 18 août 2004, lors d'une entrevue à la radio de Radio-Canada, Michaëlle Jean allait encore plus loin dans sa critique de la télévision actuelle. Parlant de RDI et de la télévision en continu, elle explique : "J'ai vu comment la machine s'est installée. Elle est dévoreuse de gens. Elle est dévoreuse de temps. Une fatigue s'est installée. C'est un métier où l'on devrait donner un sens aux événements. Alors que, s'il faut tenir 24 heures sur 24, ce n'est plus possible."
"Les exigences deviennent de plus en plus grandes, poursuivait-elle. Il faut faire 10 fois plus avec moins de moyens. On se met à courir au-devant de l'événement. (...) On n'en est plus à faire des compte-rendus des événements. Parfois, c'est à se demander si on ne les provoque pas. C'est une machine extraordinaire, avec laquelle on peut faire beaucoup. Mais on en fait quoi ?"
Arrivée à la télé un peu par hasard, Michaëlle Jean la quitte de la même façon. L'avenir dira si elle finira par s'ennuyer dans l'atmosphère un peu empesée de Rideau Hall, la résidence du gouverneur général à Ottawa. En attendant, Mme Jean s'exerce déjà au patinage politique. Interrogée sur la pertinence de la monarchie en 2005, elle a répondu, avec un large sourire : "Je la respecte comme institution. Cela fait partie de notre démocratie et c'est en ce sens que je porterai cette responsabilité."
"Que va-t-elle faire dans cette galère ?" semblaient dire ses collègues de Radio-Canada, hier. Passée la surprise initiale, les uns et les autres y allaient de leur interprétation. "On veut refaire l'image du Canada, a commenté l'animateur Jean-François Lépine, sur les ondes de RDI. C'est devenu très évident dans les ambassades, dans les missions du pays à l'étranger. On veut sortir des clichés habituels. Elle représente à la fois le présent, mais aussi l'avenir. Mais pour nous, le plus difficile sera de cesser de l'appeler Michaëlle pour lui donner du Votre Excellence", a-t-il conclu à la blague.
Toute sa vie, Michaëlle Jean s'est acharnée à faire mentir ceux qui ne voyaient en elle que la femme noire de service, un bibelot exotique embauché pour donner bonne conscience à ses patrons. Hier encore, on lui a demandé si elle ne craignait pas d'être utilisée pour mousser la popularité du premier ministre, Paul Martin, mis à mal par le scandale des commandites, en particulier au Québec.
"Avez-vous été choisie pour ce que vous êtes ou pour ce que vous avez fait ?" lui a balancé un journaliste. La future gouverneure générale a pris une profonde inspiration. Elle a gardé son calme. Seule sa manière de rassembler nerveusement ses notes a pu laisser supposer que le coup cruel avait porté. "Je ne suis l'instrument de personne. Je suis ce que je suis", a-t-elle conclu avant de tirer sa révérence.
Source : Jean Simon Gagné
Le Soleil
Sans commentaire.
De Port-au-Prince à Montréal, en passant par Thetford Mines, la vie de Michaëlle Jean ne semblait pas la conduire vers Rideau Hall, la résidence officielle du gouverneur général, à Ottawa. Du moins, jusqu'à tout récemment.
Dessinez l'immigrante idéale, celle qui n'a pas froid aux yeux, et le résultat ressemblera fort à Michaëlle Jean. Dessinez le portrait d'une immigrante qui apporte davantage à son pays d'adoption que tout ce qu'elle a pu en tirer elle-même, et vous obtiendrez Michaëlle Jean. Dessinez le portrait d'une Québécoise incarnant tout à la fois la modernité, la tolérance et l'ouverture sur le monde, et vous verrez encore apparaître Michaëlle Jean.
Ce modèle, cet icône, on l'imaginait cinéaste, animatrice de télé, journaliste, professeure, comédienne, scientifique, diplomate, bibliothécaire, pilote de course ou même dresseuse de lions. Mais gouverneure générale du Canada ? Elle-même semblait encore abasourdie par la nouvelle, hier matin, au moment où le premier ministre, Paul Martin, a rendu publique sa nomination. Cramponnée à son époux et à sa fille, on aurait dit qu'elle se trouvait sur un frêle esquif, au milieu d'un océan déchaîné.
"Je ne m'attendais pas à ce que le destin frappe de cette façon-là à ma porte, a reconnu la principale intéressée. (...) Durant toute ces années où j'ai oeuvré comme journaliste et animatrice, sur les différentes chaînes de notre télévision publique, j'ai vu les préjugés reculer et les mentalités évoluer. Fini le temps où l'on osait penser et dire qu'une personne de race noire n'avait aucune crédibilité en information aux yeux du public. Il faut continuer d'avancer. Et c'est dans cet état d'esprit que j'acquiesce à la proposition qui m'est faite et que j'entends exercer le rôle de gouverneure générale."
Michaëlle Jean s'est toujours défendue d'avoir un plan de carrière. Pour convaincre les sceptiques, elle a souvent raconté son étonnante entrevue d'embauche à la télé de Radio-Canada, à la fin des années 80. "Quel est votre animateur préféré ?" lui avait-on demandé. "Je n'en ai pas vraiment", avait-elle répondu. "Quelle est votre émission préférée, alors ?" avait continué l'interviewer. "Je n'en ai pas vraiment", avait-elle répété. Silence de mort. La future animatrice avait dû expliquer à ses vis-à-vis médusés qu'elle vivait sans télévision chez elle depuis au moins 10 ans !
Soif d'apprendre
De fait, la vie entière de Mme Jean apparaît comme une succession de changements aussi soudains qu'improbables. Née à Haïti, en 1957, elle fuit le pays avec sa famille pour échapper à la dictature de François Duvalier, alias Papa Doc. Le petit groupe d'exilés se retrouve à Thetford Mines, où la présence de Noirs constitue une véritable attraction. "Petite, je me sentais comme une tache noire sur la neige blanche", a-t-elle confié à la journaliste Michelle Coudé-Lord, dans le magasine Le 30.
Plus tard, la famille de Michaëlle Jean s'établira à Montréal. Selon elle, beaucoup d'immigrants finissent par choisir la métropole parce qu'ils y cherchent un port d'attache. "Comme les Québécois en Floride", dira-t-elle un jour au SOLEIL. Avec sa mère et sa soeur cadette, elle vit dans un appartement d'une pièce et demie dans un sous-sol. Le Cégep Rosemont. L'Université de Montréal. Les études en langue et en littérature comparée, en italien et en espagnol. Une soif d'apprendre. "L'exil est une déchirure qu'il faut transformer en quelque chose qui vous instruit", commente-t-elle sobrement.
Remarquée par Radio-Canada à la suite de sa participation à un documentaire sur Haïti, Michaëlle Jean connaîtra une ascension météorique. Elle anime notamment Virages, Le Monde ce soir, Le Canada aujourd'hui, Grands Reportages, RDI à l'écoute, Rough Cuts et Passionate Eye. Mais son statut d'éternelle étoile montante ne lui attire pas que des amis. L'éviction de l'animatrice Michel Viroly, dont elle prend la place comme lectrice du Téléjournal, les fins de semaine, en 2001, engendre bien des suspicions. "Au début, j'ai entendu dire que j'étais là à cause d'une politique d'embauche d'immigration et d'accès à l'égalité. (...) J'avais tout pour nourrir les préjugés", a-t-elle raconté au magasine Le 30.
Rythme effréné
Au fil des ans, le rythme effréné de la télévision finira par miner la santé de l'éternelle fonceuse, de la perfectionniste qui veut toujours en faire plus. Le conflit de travail qui sévit à Radio-Canada et les restructurations incessantes de la société d'État feront le reste. À la fin de 2002, elle doit prendre un long congé pour récupérer. "Si j'avais dit que c'était un cancer de la gorge, tout le monde aurait trouvé ça normal, mais si je dis que j'ai subi une hystérectomie parce que j'avais des fibromes dans l'utérus, on va dire que je manque de pudeur", confie-t-elle à son retour à
Jean Beaunoyer, du journal La Presse.
"C'est stressant, la télé, explique-t-elle. On nous demande d'être naturel alors qu'il n'y a rien de naturel. On parle avec des écouteurs dans les oreilles, on tourne des pages avec nos mains, on active le télésouffleur avec le pied et on s'adresse à la caméra. (...) La télévision a changé. (...) Maintenant, il faut produire deux émissions du Téléjournal par jour, une édition pour le RDI à 21 h et une autre pour la première chaîne, à 22 h."
Était-ce le désenchantement ? Il y a presque un an jour pour jour, le 18 août 2004, lors d'une entrevue à la radio de Radio-Canada, Michaëlle Jean allait encore plus loin dans sa critique de la télévision actuelle. Parlant de RDI et de la télévision en continu, elle explique : "J'ai vu comment la machine s'est installée. Elle est dévoreuse de gens. Elle est dévoreuse de temps. Une fatigue s'est installée. C'est un métier où l'on devrait donner un sens aux événements. Alors que, s'il faut tenir 24 heures sur 24, ce n'est plus possible."
"Les exigences deviennent de plus en plus grandes, poursuivait-elle. Il faut faire 10 fois plus avec moins de moyens. On se met à courir au-devant de l'événement. (...) On n'en est plus à faire des compte-rendus des événements. Parfois, c'est à se demander si on ne les provoque pas. C'est une machine extraordinaire, avec laquelle on peut faire beaucoup. Mais on en fait quoi ?"
Arrivée à la télé un peu par hasard, Michaëlle Jean la quitte de la même façon. L'avenir dira si elle finira par s'ennuyer dans l'atmosphère un peu empesée de Rideau Hall, la résidence du gouverneur général à Ottawa. En attendant, Mme Jean s'exerce déjà au patinage politique. Interrogée sur la pertinence de la monarchie en 2005, elle a répondu, avec un large sourire : "Je la respecte comme institution. Cela fait partie de notre démocratie et c'est en ce sens que je porterai cette responsabilité."
"Que va-t-elle faire dans cette galère ?" semblaient dire ses collègues de Radio-Canada, hier. Passée la surprise initiale, les uns et les autres y allaient de leur interprétation. "On veut refaire l'image du Canada, a commenté l'animateur Jean-François Lépine, sur les ondes de RDI. C'est devenu très évident dans les ambassades, dans les missions du pays à l'étranger. On veut sortir des clichés habituels. Elle représente à la fois le présent, mais aussi l'avenir. Mais pour nous, le plus difficile sera de cesser de l'appeler Michaëlle pour lui donner du Votre Excellence", a-t-il conclu à la blague.
Toute sa vie, Michaëlle Jean s'est acharnée à faire mentir ceux qui ne voyaient en elle que la femme noire de service, un bibelot exotique embauché pour donner bonne conscience à ses patrons. Hier encore, on lui a demandé si elle ne craignait pas d'être utilisée pour mousser la popularité du premier ministre, Paul Martin, mis à mal par le scandale des commandites, en particulier au Québec.
"Avez-vous été choisie pour ce que vous êtes ou pour ce que vous avez fait ?" lui a balancé un journaliste. La future gouverneure générale a pris une profonde inspiration. Elle a gardé son calme. Seule sa manière de rassembler nerveusement ses notes a pu laisser supposer que le coup cruel avait porté. "Je ne suis l'instrument de personne. Je suis ce que je suis", a-t-elle conclu avant de tirer sa révérence.
Source : Jean Simon Gagné
Le Soleil
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Date d'inscription : 08/04/2006
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